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Du quotidien et du sensationnalisme

Je vous offre une entrée de blog plus modeste qu'à l'habitude cette semaine.

Ceux qui auront fureté un peu (ou qui me connaissent) auront remarqué la capsule que j'ai eu le plaisir de tourner dernièrement pour l'application de covoiturage OuiHop. D'autres, l'oreille tendue, auront peut-être écouté mon entrevue sur les ondes de Radio-Canada Toronto à l'occasion de la 35ème Journée Internationale des Écrivains Emprisonnés ; mes responsabilités auprès de P.E.N. Québec avalent une certaine quantité de mon précieux temps depuis quelques semaines.

Et puis, j'ai appris il y a quelques jours à peine que je rejoindrai les rangs d'un blog techno pour une grande chaîne commerciale, dont je tairai le nom pour l'instant (je vous l'accorde, on est loin de l'oeuvre poétique, mais la réalité c'est qu'il faut de la nourriture sur la table - au sens littéral).

J'apprends aussi le Norvégien (Bokmal) depuis deux mois (Jeg snakker en liten bit norsk...), pour une raison que je n'élaborerai pas aujourd'hui.

Et puis, depuis le décès de Leonard Cohen, je me suis mis à jouer de la guitare et à pratiquer un peu plus sérieusement le clavier...

Et j'ai commencé, tant qu'à faire, à écrire un nouveau roman.

Et je lis Madame Bovary, aussi. Excellent, mais un peu lourd.

Je ne sais pas si on peut nommer cet emploi du temps "être occupé". Une chose certaine, c'est que ça épuise. Et tout à coup, on se retrouve le lundi et je réalise que je n'ai rien pour le blog, que je n'ai même aucune idée d'un sujet suffisamment élaboré à aborder.

En fait, pour être honnête, ma tête fourmille d'une FOULE de sujets à aborder. Le vide, il est entre l'idée et le papier (ou le clavier). J'ai envie non pas de remplir ce vide en y déversant mes pensées, mais plutôt de le laisser s'étendre et étouffer ce chahut qui se presse dans mon crâne.

C'est peut-être l'automne.

C'est peut-être l'élection de Trump (j'ai du mal à dormir depuis).

C'est peut-être le décès de Cohen (les médias m'exaspèrent quand je lis des titres du style "Leonard Cohen est mort". Non, je vous en prie. Il est "décédé". Pourquoi chercher le sensationnalisme jusqu'à traiter un héros comme un tas de viande ? La mort est un état ; le sujet de la nouvelle n'est pas l'état actuel du défunt, mais le passage d'un état de vie à un état de mort. Et on appelle ça "décéder". Tout pour vous trouer le coeur.)

Le sensationnalisme, justement, qui s'insinue en toute chose, le sensationnalisme occupe une grande part de mes réflexions dernièrement. L'obligation de tout transformer en objet jouissif et en expérience immédiate. C'est ce qui a fait élire Trump : se faire dire que nos préjugés sont fondés est sans doute l'une des plus grandes jouissances de ce monde. C'est également ce qui fait vendre quantité de livres, de films, de spectacles... Vous savez pourquoi la musique se porte mieux que le livre, non ? Parce qu'évidemment, il ne suffit que d'un "clic" pour faire l'expérience de la musique, alors qu'il faut un bon niveau de concentration et d'effort pour lire un bouquin... Vous savez pourquoi la musique pop se porte mieux que la musique classique ? Parce que l'émotion est plus facilement accessible dans la musique pop, les rythme, les sonorités, les voix, tout cela vous trimbale le coeur jusqu'à la stratosphère, alors que du côté classique, il faut porter plus attention aux détails pour planer. Vous savez pourquoi, dans la musique pop, les vedettes les plus sexy se portent mieux que les autres ? Parce qu'on nous vend tout autant le talent que le corps des artistes, et que, à un certain niveau, nous avons l'impression de posséder (dans tous les sens du terme) cette beauté en nous y associant. Ce qui signifie, et c'est presque une preuve en soi, que peu importe la profondeur de ce qu'on voudra exprimer dans un livre, la chance d'être reconnu et apprécié au même titre qu'une chanteuse pop est, pour ainsi dire, nulle.

Cette logique gouverne tout, à toutes les sauces. Et c'est déprimant. Parce que la chanteuse pop vous impose une identité, alors que le bon auteur vous fait découvrir la vôtre. Et en toutes choses, ce n'est jamais l'identité imposée qui nous représente, mais l'identité propre. Parce que Trump parle des "bad hombres", certains Américains ont déjà commencé à s'en prendre aux immigrants. Parce que Taylor Swift porte tel marque de maquillage, ou parce que Gwyneth Paltrow fait la promotion de produits douteux, une foule d'individus s'approprient ces produits, s'identifient à ces comportements. Tout n'existe que dans le contexte de la gratification.

Même l'automne, parce qu'il affame notre appétit de luminosité, nous fait paraître la vie plus morose. Pourtant, la vie n'attend pas notre perception du monde pour être. La vie n'existe pas pour récompenser notre absorption optimale de rayons UV. On devrait pouvoir apprécier chaque seconde sans avoir à se soucier que notre corps ou notre esprit se sente comme de la merde. On devrait pouvoir accepter que Cohen soit décédé sans tambour ni trompette, sans besoin d'appuyer sur la tache d'encre pour en étendre la noirceur. On devrait pouvoir accepter que notre voisin vienne d'on ne sait où et parle on ne sait quelle langue. On devrait pouvoir accepter que la vie n'est pas un point d'exclamation, mais plutôt des points de suspension, suivis d'un point d'interrogation. On devrait pouvoir accepter que l'univers n'existe pas dans le but unique de flatter nos préjugés et notre ego.

On devrait pouvoir accepter la vérité telle qu'elle est.

Et pourtant. Plus je regarde ce monde qui dérive et s'entre-déchire pour des bagatelles, et plus je ressens un besoin irrépressible de ne pas l'accepter...

On nous vend des émotions parce qu'elles sont plus satisfaisantes que les vérités.

Non, ce n'est pas une phrase punchée. Ni vraiment neuve.

Et pourtant, tout y est.

Félix


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