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Nourrir l'émerveillement

Nourrir l'émerveillement

Je parlais, il y a déjà un mois, du volcan enfoui au creux de nous. De ma volonté d'aller chatouiller et réveiller ce volcan chez le lecteur. Évidemment, c'est plus vite dit qu'exécuté. Ce problème connaît une difficulté intrinsèque, à savoir, l'impossibilité de vivre plus d'une expérience humaine à la fois. Si quelque chose me touche, est-ce que cela vous touchera également ? Et vice versa ?

J'ai lu ce petit article ce matin (en anglais), entre deux tentatives de m'ouvrir les yeux. On explique en gros l'importance de la sensation d'émerveillement sur notre capacité à se positionner face à autrui, à l'univers, etc. Les choses qui nous frappent sont habituellement les paysages ou les sensations qui nous réduisent, nous-mêmes, à l'insignifiance. Une vue panoramique du sommet d'une montagne, par exemple, ou une expérience éprouvante comme un ultra-marathon. Ça peut être une oeuvre d'art qui déverrouille certaines émotions gardées en soi. Une photo. N'importe quoi. L'émerveillement est ce qui pousse notre cerveau à rediriger son attention non vers nous-mêmes, mais vers ce la connexion qui existe, qui nous échappe souvent, entre nous et le monde qui nous entoure.

J'aimerais donc partager quelques unes de mes expériences d'émerveillement aujourd'hui. Et en retour, j'aimerais que vous me partagiez les vôtres.

Une des expériences qui m'a particulièrement frappé, il y a déjà près de 15 ans, se trouve être une expédition d'une journée effectuée avec mon frère sur le Lac Dufresnoy, en Abitibi. Notre objectif était de partir tôt, de franchir le lac en raquettes (c'était le 30 décembre), d'escalader le mont Kamak (ou Camac ? Peu importe.), à plus de 5 km peut-être, puis de revenir pour l'heure du souper. Nous étions en forme, nous étions habitués au plein air. Qu'est-ce qui pouvait arriver, hein ?

Aussi bien dire que tout ne s'est pas déroulé parfaitement comme prévu.

Sous sa pellicule de neige, le lac était recouvert d'une fine couche d'eau, ce qui fit qu'au bout de quelques minutes seulement, nos raquettes étaient recouvertes de lourds "mottons" de glace. Puis, en traversant une presqu'île forestière, nous nous sommes perdus (nous sommes, littéralement revenus sur nos pas, après une trentaine de minutes, avant de décider de sortir la boussole). Le temps d'arriver au pied du mont Kamak, nos jambes étaient mortes de fatigue et nous n'avions fait qu'une courte pause d'une dizaine de minutes. Nous avons pourtant escaladé la chose, au travers de la neige et des rochers, avons grignoté au sommet, regardé un peu le paysage, puis nous sommes redescendus, péniblement, et avons pris le chemin du retour. J'ai connu des entraînements incroyablement ardus dans mon parcours en arts martiaux. Pourtant, le retour de cette expédition a vraisemblablement été l'expérience la plus ardue de ma vie. 5 kilomètres en raquette à tirer un traîneau, centimètre par centimètre, les muscles des aines menaçant d'exploser à chaque pas, à la nuit tombante, sur un lac où les distances, on le devine rapidement, sont trompeuses et toujours plus vastes qu'elles ne semblent. Mon frère et moi nous sommes chacun claqué les muscles des aines et avons mis des semaines à nous en remettre.

Rien de tel que de se retrouver seul, face à la nature, pour vous remettre certaines idées en place.

Et pendant qu'on parle d'émerveillement, mon père (un fervent pilote de paramoteur) m'a envoyé, il y a peu, ces photos dudit Lac Dufresnoy :

On voit, dans la photo du bas, la grande bande de terre partant du coin en bas à droite, et qui se trouve être la presqu'île ou la pointe où nous nous sommes égarés. Le mont Kamak est caché par les nuages, en haut à droite. Aussi bien dire que ces photos me fascinent chaque fois que les regarde.

Autre chose d'hallucinant ? Une amie, Maëlle Dupon, m'a offert son livre récemment. La color lenta de la pluèja ; La couleur lente de la pluie. Un recueil de poèmes et prose poétique, bilingue occitan/français. Je lis et je tombe sur cette finale de poème :

«[...]

Je serai l'ombre et toi le vent

Et je ne saurai jamais te dire

Combien je te désire

Combien tes yeux me font défaillir

Toi ma tendresse de pluie et de sel

Ma vague lente.»

Je ne sais pas pour vous (et peut-être que je suis seul à tripper ma vie ici), mais je trouve cela brillant. Non seulement brillant, mais bouleversant. La "vague lente", si bien placée, et qui, naissant dans les mots de clôture, n'a d'autre choix que de venir vous lécher le coeur et y mourir dans une sorte de mouvement qui va au-delà du poème. Je suis demeuré bouche-bée. Comment ça se fait qu'elle ne soit pas davantage connue, Maëlle ? Et comment ça se fait que certains éditeurs osent la faire douter de son talent ? C'est à n'y rien comprendre.

Parlant de poésie bouleversante, rares sont les oeuvres qui viennent me chercher. Pourtant, les poèmes de Louis Aragon font de mon coeur une épave. Je parle bien évidemment de "Il n'y a pas d'amour heureux", mais également de "Excuse pour en finir"qui m'a ému au point où j'ai cru que j'allais pleurer. Il faut comprendre, d'abord, l'amour inconditionnel d'Aragon pour sa muse, Elsa. Puis, lire ces vers qui ont un goût de dernier souffle :

«[...]

L'amour à qui s'en grisa

Lui faut-il en avoir honte

J'aurai vécu sans visa

Et ma vie au bout du compte

Se résume au nom d'Elsa.»

Wow.

D'autres choses qui m'épatent et me fascinent ? Écouter le Canon en D majeur, de Pachelbel (aucune idée comment on peut comprimer autant d'émotion en quelques notes).

La mer, infinie, comme je l'ai vue au Nouveau-Brunswick. Ou en Irlande, où les dauphins perçaient les vagues autour du traversier, entre Pembroke et Rosslare.

Le simple fait de lire un livre, parfois, m'émerveille complètement. Lire Platon, ou Marc-Aurèle, ou encore les oeuvres d'Homère ou les poèmes d'Horace, et se dire que ces choses ont été écrites il y a deux mille ans ou davantage. Pouvoir suivre les pensées, alors qu'elles éclosent dans l'esprit de ces auteurs, avec tout ce décalage temporel ; cela me renverse.

Alors voilà, je pourrais continuer encore longtemps, mais pour l'instant, ce sont ces exemples qui me viennent à l'esprit.

Et vous ? Y a-t-il quelque chose qui suscite votre émerveillement ? Une photo ? Un film ? Une chanson ? Un livre, un poème ? Un événement ? Et je parle bien d'émerveillement, d'expériences qui créent un sentiment d'empathie, d'appartenance, d'expériences qui paraissent vous lier au reste de l'Humanité. Qui vous inspirent. Qui vous donnent envie de donner le meilleur de vous.

Si c'est le cas, partagez-le dans la section commentaire de ma page Facebook ! Invitez vos amis à faire de même. J'aimerais vraiment savoir ce qui vous fait cliquer. Ce qui vient vous chercher. Le genre d'image, le genre d'expérience. Et ainsi, chacun pourra en profiter et, qui sait, faire d'agréables découvertes !

Ne vous gênez pas ! Et d'ici le prochain article de blog, je vous souhaite une excellente semaine ! Ha en fantastisk uke ! (ma "plug" norvégienne de la journée :P )

Félix


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