Étoile refusée
La persécution politique et dogmatique des auteurs et écrivains dans le monde est un sujet qui me tient particulièrement à coeur (d'où mon implication avec P.E.N. International). Un poème en l'honneur de tous ces penseurs opprimés, cette semaine. À tous ces cueilleurs d'étoile.
Étoile refusée
Les bleus dégradent la distance
Bariolée
Derrière les aciers
À l’ombre des barreaux
Liberté hachurée
Les bleus inaccessibles
Ensanglantés
Bleus insondables
Dans leur geôle d’acier
L’autre cage est la mienne.
*
Sur le stuc jaunissant
Paisibles
Ronflent les jours passés
Les jours menottés à l’oubli
Érodés par les salives
Du silence
Par les flots de solitudes
Par les gouttes de sévices
Stuc jauni au plafond remémoré
Là-bas, la fenêtre où s’échappait l’ennui dans la gondole verte
Des langoureux vallons
Blottis sur la hanche des cieux
Appliquer au papier l’aile du papillon
Les mots naviguent en l’air
Innombrables voiliers dans l’arabesque nue ;
Le ciel fait l’amour à la terre ;
L’horizon berce l’Éternité.
Les langes de la Liberté
Sont d’encre et de papier.
*
Le fer crève le foie des mots
Sur la note discordante
Résonne
Le métal, rougi de méandres violés
On a cherché l’aurore dans la nuit des tabous
La rosée dans l’ébène des censures
Dans le bâillon des fumées froncées sur le visage du ciel
Sans étoile
On a cherché
On cherche encore
Sous le joug de l’Idée qui exècre l’idée
À tâtons, on cherche les traits d’encre
Dans les ténèbres
Le frisson de nos doigts sur les empreintes de la Liberté
Dans le carcan cendreux
Des visions interdites
Et du filtre imposé.
*
Trouvé un pépin d’étoile
Dans un lieu de lumières
Les couteaux de l’Idée m’ont tailladé de doutes
Plaies purulentes
Elle est suspecte l’étoile rescapée des nuées
Le dôme de l’Idée
Lisse noirceur unie d’où plombe le grand Dogme
Oppresseur invisible ;
J’ai fait de mon étoile un écran de clarté
Un parapluie d’horizons bleus
Je me suis fait étoile
Rampant parmi les ombres
*
Stuc jaunissant d’où pendent mes
Constellations
Leurs lactations voilées
Nourrissent l’enfant gourd
Dans le secret des murs où
Ma plume trempée
À l’encre des noirceurs
Trace des vérités
Au papier des lumières
*
Les bleus dégradent la distance
Loin derrière les aciers
L’Idée lacère les espoirs
De l’enfant Liberté
Rejetée au cachot
Barbelés cousus aux lèvres
Quelqu’un m’aime au-delà de l’horizon des murs
Le cœur ignore la soumission
Le genou seul comprime
L’ombre sous sa calotte
Assujetti
Le stuc jauni effrite ses captures
Comme un papier tue-mouche négligé qui s’écaille
Ma mémoire a des trous noirs où plongent les restants
D’une folie passée
D’un sursaut d’insouciance
La faute est intangible
Dans le jour des aciers
Je tends les langes sales
Les papiers imbibés
Elle s’extirpe et file
Elle prend son essor, la Liberté
Emplumée des espoirs mis par moi en ses mots
Vers les mortes lueurs elle tend son flambeau
Par-delà les vallons, les continents, les mers
Vers ceux pour qui les cieux
Brillent avec abandon
Moi sous l’œil de l’Idée
Encagé de nuit noire
Ma Liberté enfuie
Je me crispe
Fané
Refusé à la vie.
Félix