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Six pistes pour mieux écrire

OK. Les billets précédents ont été plutôt théoriques et peut-être un peu lourds. Certains d’entre vous se demandent sans doute : « L’Exposition, l’Expression, l’Expo 67, de quoi tu parles au juste ? Je veux juste mieux écrire ! »

Une passion sérieuse pour les mots requiert une réflexion sérieuse à leur sujet, une réflexion visant à expliquer et réorganiser ce qui, autrement, ne répondrait qu’à de vagues réflexes instinctifs.

Ceci dit, j’ai décidé d’y aller de façon très générale aujourd’hui en vous présentant six pistes pour améliorer substantiellement la qualité de vos textes.

Allons-y sans plus attendre !


1— Cultivez les émotions


Comme chez l’animal, c’est l’instinct qui domine chez l’être humain. La très vaste majorité de nos actions et réactions sont régies par cet instinct (l’infime portion restante étant liée à la notion de choix, principalement au choix moral).

L’émotion est donc le meilleur hameçon pour agripper le lecteur, parfois même contre son gré. Le propos est secondaire ; plusieurs échouent à transmettre leur message non parce que ce dernier est inintéressant, mais parce que le lecteur se lasse avant d’y être arrivé.

Pour y remédier, il faut créer un effet de « ressenti » chez le lecteur. Le choix des mots est essentiel : une écriture imagée provoque un sentiment d’immersion qui parvient généralement à attraper le lecteur.

Les mots ayant un sens fort sont également à privilégier ; n’utilisez pas d’euphémisme.

Les actions doivent également interpeler le lecteur. Pour ce faire, elles doivent posséder un poids substantiel dans le contexte ou dans le paragraphe. Une action poussée par la nécessité (le personnage s’enfuit) exprime davantage d’émotions qu’une action décalée ou éloignée du propos (personnage mange ses céréales du matin alors que cela n’avance aucunement la scène).


Dans tous les cas, gardez en tête cette idée que votre texte doit interpeler l’inconscient du lecteur. Vous voulez provoquer une réaction émotionnelle. Il y aurait un livre entier à écrire sur le sujet : le choix des mots, le rythme des phrases, les référents, les champs lexicaux... la liste des outils est longue, et il existe toujours une façon de s’introduire dans l’esprit du lecteur.


2— Éliminez les verbes « avoir » et « être »


Les mots s’usent par l’usage. Les verbes « avoir » et « être », parce qu’ils sont également utilisés comme auxiliaires, ont ainsi perdu à peu près tout de leur pouvoir évocateur. Puisqu’ils demeurent impossibles à éliminer des constructions verbales, il est préférable de s’efforcer à réduire au minimum leur utilisation. Une règle simple : si le verbe « avoir » ou « être » peut être substitué par un autre verbe, plus fort, substituez-le ; si sa disparition oblige l’introduction d’une phrase pronominale ou d’une longue formulation, gardez-le.

L’unique avantage de ces verbes est leur concision.

D’autres verbes usés à surveiller : faire, devoir, aller.


3— Cernez un objectif par paragraphe


La formule magique est la suivante : une action par phrase, un objectif par paragraphe.

Chaque phrase devrait donc aider à atteindre l’objectif du paragraphe. Cet objectif atteint, on change de paragraphe.

Évidemment, ces règles sont très laxes. On peut inclure plusieurs actions dans une même phrase, et peut-être un second objectif dans un paragraphe, mais cela introduit un aspect de complexité souvent mal maîtrisé par le novice. Il est donc préférable de s’en tenir à de courtes phrases, simples, et orientées vers un but bien précis.

Les principales erreurs ici sont, d’une part, l’encombrement de la phrase par des actions ne menant nulle part, et d’autre part, la mauvaise gestion de l’objectif du paragraphe, soit en ne le cernant pas précisément, ou alors accumulant les objectifs sans raison.

Si votre paragraphe annonce l’apparition d’un personnage, par exemple, les phrases devront travailler à introduire cette apparition. Si vous souhaitez ensuite parler de la météo, votre objectif n’est plus le même et vous devez changer de paragraphe.


4— Prenez garde aux formulations pronominales


C’est-à-dire à peu près toutes les formulations introduisant un « qui, que, lequel, laquelle, dont, etc. ».

Ces pronoms signalent souvent la présence d’une proposition subordonnée, laquelle demande un effort d’analyse conséquent de la part du lecteur, nuisant ainsi à la fluidité de la phrase. Préférez, là où c’est possible, le participe présent en « -ant » (« qui mange » devient « mangeant »), ou alors le fractionnement en phrases distinctes.


5— Limitez les « beaux » mots


Vous savez, ces mots que personne n’utilise, ces mots savants, ou encore ces formulations pompeuses ?

Oubliez-les.

Le travail de l’écrivain en est un d’expression et de clarté. Il n’y a qu’un mauvais écrivain pour empêtrer ses lignes de fioritures inutiles auxquelles personne n’entend rien.

Si l’incertitude vous tenaille au sujet d’un terme ou d’une formulation, comparez rapidement les registres de langue : si votre texte est écrit sur un registre « familier », évitez les formulations « soutenues », par exemple.

Comme ailleurs, la nécessité doit guider votre plume. Si, par souci de clarté, vous vous devez d’utiliser un mot bien précis, alors faites-le. Dans tous les autres cas, si un mot plus courant ferait l’affaire, optez pour ce dernier.

Souvenez-vous : aucun lecteur n’aime s’arrêter à mi-phrase pour ouvrir un dictionnaire. Et aucun lecteur n’aime se sentir idiot ou inculte. Respectez le lecteur.


6— Privilégiez les verbes actifs


Au mode actif, le sujet effectue l’action (il mange). Au mode passif, le sujet subit l’action (il est mangé). Parce qu’il est moins gourmand en espace et qu’il transmet davantage d’énergie au lecteur, le verbe au mode actif est à privilégier dans la majorité des cas. Gardez en tête l’instinct animal de l’être humain : par sa seule présence, la voix passive tend à endormir le lecteur alors que la voix active tend à l’exciter.



Suivez ces quelques pistes d’écriture et vos textes s’en verront raffermis et sauront captiver davantage le lecteur. N’omettez pas, évidemment, les deux plus importants ingrédients : lisez et écrivez, abondamment, comme si votre vie en dépendait !

Soyez patient et soignez vos mots sans relâche ; ils vous le rendront.

Félix

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